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Les rêves de Cachou
10 avril 2010

page 10

Les poches pectorales de la veste "sauvagine" sont anormalement gonflées. Elles lui font comme de gros nénés. Peut être des oranges? Il me suit du regard, il tapote avec la patte sur le coeur. T'en veux une?
- Oui, s'ioux plaît!
Il sort lentement un drôle d'agrume bleuté, quadrillé. Il élève le rugby à sa hauteur de mes yeux, au bout du machin, il y a un curieux porte-clés.
C'est pas encore de ton âge,petit. Il renfourne prestement la grenade, et sort de l'autre poche une barre de chocolat Anglais. C'est le dernier parachutage. Plus tard j'en ai reconnu fréquement des pastèques de ce type. Avec l'oncle, à la pêche, ce fût longtemps ses appâts préférés.

Néanmoins, je dois aller à l'école. Pour me rendre à ce calvaire, je dois longer la Ballerine près du quai, passer à travers les dents rubicondes du garde-barrière, couper par une passerelle d'acier noir. J'arrive au champ de foire trapézoïdal, il est bordé de gros platanes. A son sommet, un grand bâtiment ourlé de briques rouges. Le préau lui fait une casquette sur toute la longueur, un mur le cisaille par son milieu, partageant la vie des filles et des garçons. Chez les mecs, des pissoirs en ardoise suintent d'eau mousseuse. Des arceaux squelettiques emprisonnent les roues de rares bicyclettes.

Sous l'avancée des récréations s'ouvre la porte centrale, domaine de Boudu, le dirlo-instit à la canne de bambou. Il est la mémoire des gamins au retour des vacances. J'entre dans le rang, je vois sa blouse grise anthracite. La nuque rasée du moutard qui me précède me rassure un peu. On est dans la classe, les galoches à chenilles de fers se taisent. Collé près d'un pupitre, ciré à l'abeille, j'attends. La porcelaine grise de l'encrier encastré me fait de l'oeil,complice. le long bambou refendu pend dans la main de Boudu. Pourquoi on l'appelle Boudu? Mystères. C'est antérieur à ma présence ici, aussi me suis je fait une explication: Il bave et ressemble à Michel Simon.

L'avant scène est composée de trois bureaux individuels qui filent et alignent leurs derrières jusqu'au fond de la classe. Deux traverses geôlière cognent sur un praticable de bois foncé où somnole un gros bureau carré, le piédestal de Boudu. A l'arrière du mirador, comme une réclame, une immense affiche d'ardoise grise tombe du plafond. La gouttières qui le poursuit dans toute la longueur est poudrée de blanc.

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